A lire d’urgence !

drapeau savoieNotre compatriote, le chanoine Antoine Martinet publia en 1848, « Que doit faire la Savoie ? Par un Savoisien ».

Il examina la question d’une Savoie indépendante avec force et nombre d’arguments qui font écho au propre combat de l’ensemble des savoisiens d’aujourd’hui.

En voici quelques extraits, à peine commentés,  dont vous apprécierez la pertinence :

  • Les effet de sa perte de nationalité contre deux départements :

« J’arrive à l’alliance qui exciterait le plus de sympathies, l’alliance française.

Que la France, par sa puissance militaire, par l’intérêt évident qu’elle aurait à ne pas laisser entamer notre territoire, par les moyens de défense que celui-ci lui offrirait, nous garantît de toute insulte, c’est chose indubitable. Mais notre union pure et simple à la grande nation, et par suite notre transformation en un ou deux départements seraient-elles bien notre affaire ? Y trouverions nous un degré de prospérité et de vie, qui nous consolât du sacrifice complet de notre nationalité ? Je ne le pense pas, et, à en juger par des manifestations récentes, l’immense majorité des Savoisiens ne le pense pas davantage.« 

  • Rien n’est à ajouter  à ce tableau dont l’actualité est frappante  :

« La Savoie, qui souffre de l’éloignement où elle est de Turin, se trouverait-elle mieux d’avoir Paris pour capitale? La Savoie qui ne veut pas être ce qu’elle n’est pas en réalité, une fraction perdue de la famille italienne, une Sibérie subalpine, mais qui veut rester ce qu’elle fut toujours, une nation, un État distinct, jouissant de sa vie propre, sous la dépendance de ses princes, nation, État placé entre la France et l’Italie, gravitant cependant dans l’orbite italienne, la Savoie, disons-nous, gagnerait-elle à devenir une Sibérie française, le triste pendant du département des Hautes-Alpes, ne pouvant recevoir que de Paris l’impulsion vivifiante qui lui est si nécessaire? Pourrait-elle se réjouir de voir languir, tomber, sous l’action d’une centralisation-modèle, la plupart de ses institutions, de ses établissements d’industrie? Serait-elle bien aise de voir se transporter sur les bords de la Seine ses lumières, ses capitaux, l’argent de ses députés, de ses étudiants, de ses plaideurs, de tous ceux de ses enfants qui voudraient être ou faire quelque chose ?« 

Le problème de la  dette abyssale de l’État français se posait déjà :

« D’ici là, et même au-delà, notre incorporation sans réserve à votre territoire [français] serait des plus ruineuses pour nos intérêts. Ne suffirait-il pas des quatre ou cinq cent millions de votre dette publique, tombant à notre charge, pour nous écraser ? Vous autres, vous êtes de grands seigneurs, capables de jouer gros jeu et de supporter de nobles lessives ; mais les Savoisiens ne peuvent se procurer l’aisance et le bien-être que par le travail et l’économie : ils ne seront jamais assez riches, selon le mot d’un de leurs princes, pour essayer de se ruiner« .

  • Et quelle leçon politique :

« Notre pays, administré sagement, économiquement, c’est-à-dire sur place, nous offre tous les éléments d’une heureuse existence ; mais il se refuse aux grandes exploitations agricoles, industrielles, commerciales. Nous ne saurions en trop bénir la Providence, destinés que nous sommes à vivre loin des excès de la richesse et des horreurs du besoin. La fortune, moins aveugle dans nos montagnes que partout ailleurs, nous a réparti ses dons avec une sorte de sagesse et d’égalité. Elle a mis d’heureux obstacles à l’accumulation des terres et des capitaux dans les mêmes mains. Si nous apercevons dans notre noblesse, dans notre bourgeoisie, quelques fortunes hors de pair, chacun sait que presque toutes ont été conquises à l’étranger par de nobles travaux ou d’heureuses alliances. Loin d’avoir été prélevées sur les petites existences et les petites industries, elles retombent sur celles-ci comme une rosée propice. L’idée communiste, dans ce qu’elle a d’exécutable, se trouve réalisée en Savoie.« 

Pour finir, cette injonction prémonitoire à l’État français :

« Oui certes, car au lieu de ne prendre conseil que de votre force et de nous imposer un vote dérisoire, comme on fit en octobre 1792, vous n’écouteriez que la justice, la raison et les intérêts d’une noble et généreuse politique. En restant fidèles au programme de votre glorieuse révolution, en sauvegardant, loin de les envahir, toutes les nationalités, même celles qui sembleraient devoir le plus se fondre dans la vôtre, vous acquerriez une influence, une force morale incalculables. Dans le travail de réorganisation qui agite le monde, combien d’États plus ou moins petits se placeraient sous votre protection et formeraient, sur la limite continentale de votre république, une ceinture de forteresses puissantes qui ne coûteraient pas un centime à votre trésor ?« 

Alors, que retenir en 2016, de cet écrit de 1848 ?

D’une part, que les arguments avancés sont toujours ceux d’aujourd’hui et qu’il ne servait rien de plaider sa cause auprès d’un État qui ne songeait qu’à nous annexer.

Antoine Martinet le savait bien :

« Quand une force irrésistible vous condamnerait à perdre votre nationalité, vous réserveriez du moins vos droits par une haute et solennelle protestation ; vous sauveriez l’honneur.

Par votre union vous seriez assez forts pour imposer aux conquérants notre indivisibilité. Vous dicteriez des volontés dernières. Vous exigeriez, vous obtiendriez d’honorables funérailles pour l’antique drapeau. Vous marqueriez l’emplacement du marbre sur lequel on lirait : Ici fut la Savoie, L’Allobrogie des anciens.

Elle finit, comme elle avait vécu, Avec honneur, Après vingt siècles d’existence. »

Non, Antoine Martinet,  notre pays n’est pas mort, pas un de nous qui ne veuille le relever, nous avons été, nous serons !

 

 

2 Replies to “A lire d’urgence !”

  1. Pauvre Antoine Martinet, il doit se retourner dans sa tombe en regardant ce qu’est devenue sa Savoie: scindée en deux, soumise aux aberrations politico-écomoniques françaises, vassale d’une dictature du fonctionnariat, noyée dans des régions hétérogènes et bricolées. Il doit avoir des hoquets en voyant ce que sont devenus ses compatriotes: pions aux mains de l’élite parisiennes sans avoir la possibilité de s’exprimer. Il doit s’étrangler en constatant que la très grande majorité de ses concitoyens est non seulement bien soumise à ses nouveaux Maîtres mais en est, en plus, bien fière, aveuglée par les œillères que lui a imposées Paris depuis 156 ans!

  2. Les Savoyards fiers de l’être sont encore trop rares, et il est vraiment étonnant qu’il y en ait si peu, et il est encore plus étonnant que ceux qui représentent la Savoie à Paris ne fassent rien pour elle. Il y en eut pourtant, tel Antoine Borrel (1878-1961) qui de 1909 à 1944 défendit la Savoie becs, et ongles et à qui on doit la belle phrase : « Il y a deux départements savoyards, mais il n’y a qu’une Savoie, celle de nos aïeux. »
    Tiens ! Antoine, le même prénom qu’Antoine Martinet. N’y aurait-il que des Antoine pour réfléchir au sort de la Savoie, pour se souvenir de sa grandeur, pour en défendre l’intégrité ?
    Non. les Antoine, la Savoie n’est pas morte, toujours des Savoyards se sont levés et se lèveront pour empêcher leur magnifique pays de mourir. La Savoie a été, la Savoie sera !

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