A l’adresse du Dauphiné Libéré

            Grandes dates de l’histoire de la Savoie.  (Dauphiné Libéré du 11 août 2016 ; page 6, édition Savoie)

            Merci à votre quotidien d’évoquer l’histoire de notre pays la Savoie (page 6 du 11 août). La majorité des savoyards ignore ce que fut la Savoie avant 1860 ; l’apprentissage, dès l’école primaire et jusqu’à l’université, de la seule histoire de France en est la cause. Notre pays existe historiquement depuis plus d’un millénaire. Votre étude, citée ci-dessus, s’attache à décrire  l’annexion et retient la date du 14 juin 1860.

            Je vous félicite pour ce reportage ; permettez-moi, toutefois, d’y relever quelques approximations. D’abord le sous-titre, ‘’Un vote qui tend vers la démocratie’’, me parait discutable.  Quand on connaît l’organisateur du vote, Napoléon III, auteur de deux tentatives manquées de coup d’Etat (1836, 1840), condamné à l’emprisonnement au fort de Ham, conspirateur pour l’Unité Italienne, auteur du coup d’Etat, réussi celui-là, qui met fin à la 2ème République le 2/12/1851, suivi d’un plébiscite à la fin de la même année, où, déjà, il manquait les bulletins ‘’non’’, on peut se poser des questions sur l’engagement ‘’démocratique’’ d’un tel personnage.

            Le vote est, franchement une insulte à la démocratie. D’abord le résultat ; il parle de lui-même : 99,5 % ! Seules les consultations électorales des pays totalitaires (ex. URSS, Corée du Nord, etc.) atteignent de tels scores, même un membre titulaire de l’Académie de Savoie peut le reconnaître. Ensuite, les archives prouvent que : les Syndics (Maires) opposés à l’annexion sont systématiquement remplacés avant le scrutin ; l’occupation militaire des troupes françaises en Savoie, avant et pendant le scrutin, est effective, alors que l’on doit se prononcer ‘’sans nulles contraintes’’ ; l’absence totale de bulletins NON est signalée dans de nombreuses provinces ; pas d’isoloirs dans les bureaux de vote ; l’abstention est interdite ; on envoie au bagne de Cayenne, sans jugement, les opposants à l’annexion ; le clergé (à l’influence déterminante à l’époque) menace d’excommunier ceux qui s’opposeraient à l’annexion ! Tout cela est bien loin ‘’d’un vote qui tend vers la démocratie’’.

            Le 29 janvier 1860, une manifestation eut lieu à Chambéry. Malgré la neige et le froid, un cortège nombreux, trois mille personnes selon les autorités, précédé par 20 porteurs de drapeaux vert-blanc-rouge, se rendit au palais du gouverneur, pour affirmer leur volonté ‘’de continuer à faire partie intégrante des Etats de cette maison de Savoie’’. A Chambéry, 3000 manifestants fin janvier contre l’annexion ; trois mois plus tard, le plébiscite annonce, 3588 OUI et 31 NON : Pourquoi ?

            Au mois de mars, une pétition réunit les signatures de près de 15 000 chefs de famille en Savoie du nord : Elle affirmait que la population voulait rester dans le royaume de Victor-Emmanuel mais que, si cela devenait impossible, elle préférait être incorporée à la Suisse et refusait énergiquement d’être annexée à la France !…  Pourtant, il y eut plus de bulletins OUI que de votants à Bonneville ! : Pourquoi ?

            Enfin, au soir du 21 juillet 1858, le sort de la Savoie et de son peuple est d’ores et déjà fixé par des accords secrets entre deux hommes : Napoléon III et Cavour. Le plébiscite de 1860 n’est, alors, plus qu’une sinistre farce ! Qui peut croire à un vote qui tend vers la démocratie ?

            Je sais que le Dauphiné Libéré est attaché à notre Savoie et qu’il est capable de se libérer de pressions politiques extérieures ; j’encourage  mon quotidien à continuer ses recherches et qu’il nous éclaire sur notre véritable Histoire. Merci.

Guy Martin

4 Replies to “A l’adresse du Dauphiné Libéré”

  1. Guy Martin est de toute évidence un grand connaisseur de la Savoie, et un grand défenseur de ce beau pays.
    Entre 1859, la sinistre année de Solférino, et 1861, la prétentieuse proclamation du royaume d’Italie, tous les Etats de la péninsule italique subirent des plébiscites à la française pour dire leur « enthousiasme » à rejeter leur souveraineté pour ne plus dépendre que du royaume de Piémont-Sardaigne. Celui-ci, après s’être débarrassé de la Savoie et du comtat de Nice, visait à régner dans toute l’Italie. Que Napoléon III ait intimement participé à ces visées n’enlève rien aux décisions des députés dits progressistes de la Chambre de Turin. Mêmes conditions pour les votations (pressions de toutes sortes, obligation d’accepter cette fatalité face à la force des armes, etc.) que pour la Savoie et le comtat de Nice. Et les députés progressistes de la Chambre de Turin étaient ravis et soulagés de voir que tout se passait comme ils l’entendaient, à savoir que l’on obtenait des majorités écrasantes de la part des populations écrasées. Est-ce très différent de nos jours, avec la propagande et les lobbys, qui semblent avoir remplacé les viles manœuvres ?
    À croire que la monarchie constitutionnelle acceptée par la dynastie de Savoie depuis 1848 n’a permis qu’une seule chose : donner la parole essentiellement aux financiers qui avaient réussi à devenir députés. Ceux-ci avaient épousé les idées de Cavour sur le libre-échange et voulaient faire de la péninsule italique un seul État centralisé pour ne plus avoir de droits de douane à payer lorsqu’ils exportaient leurs produits (de l’agriculture, de l’industrie et du commerce) dans l’un ou l’autre des Etats de l’Italie.
    En 1866, ce fut la république de Venise elle-même qui subit cette mascarade.
    Ainsi, que ce soit en Savoie, dans le comtat de Nice, ou dans toute la péninsule italique, les plébiscites n’ont servi qu’à faire tomber tous ces Etats souverains dans la servitude et l’obligation d’obéir aux décisions prises au-dessus de leurs têtes, sans eux.
    Et n’oublions pas toutes les élections du temps de la révolution française, en France puis en Savoie, tout aussi fallacieuses, et que certains continuent de nommer démocratiques.

  2. Je suis fier d’être ton ami, Guy. « Le Dauphiné libéré » porte dans son titre même le mépris de la Savoie. Au moins « Le Progrès », de Lyon, lorsqu’il possédait des éditions en Savoie, affichait-il comme titre « Le Progrès savoyard » et deux croix de neige sur fond de braises de part et d’autre. Il est vrai que « le clan des Savoyards » à la rédaction du quotidien de la rue de la Ré’ n’y était pas étranger, notamment André Foudraz, d’une famille de Bessans, qui fut mon chef d’édition le peu de temps que j’ai passé à l’agence d’Annecy du « Progrès ».

  3. Merci Guy pour ta publication qui nous conforte dans la connaissance de cette période et notre amour pour la SAVOIE.

  4. Votation de février 2014: aux habitants de la Crimée, voulez vous devenir russes? oui à 96,6%. Tollé général en occident et surtout en France soit disant pays des droits de l’homme puis aide massive militaire et économique à l’Ukraine. La Crimée russophile n’est toujours pas russe.
    Votation de mars 1860: aux habitants de la Savoie, voulez vous devenir français? oui à 99,8%. Tout le mode s’en fout hormis l’Angleterre qui qualifie cette votation de farce abjecte amis qui ne dis rien du fait d’un traité de libre échange habilement négocié par la France et aide dans la guerre de l’opium, et la Suisse qui a peur de l’ogre français qui se rapproche mais est trop faible pour contrer. La Savoie, qui ne voulait alors pas de la France et Guy la admirablement démontré est, malheureusement pour elle, française! Plus pour trop longtemps, espérons le car, la France à l’image de l’URSS de la fin des années 80, est en train de s’effondrer.

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